LA TARTE AUX FRAMBOISES (3)

Le 03/04/2024

Dans VARIATIONS

La sublimation ouvrirait donc une voie royale à l'énergie (je rappelle que le principe énergétique qui domine ici est moniste, donc en soi pas tout à fait "freudien", disons plus oriental...), je dois avant d'aller plus loin rappeler que dans son ouvrage "la technique psychanalytique", Freud met en garde contre une intervention du psychanalyste qui voudrait encourager "outre mesure" la sublimation, coupant le patient des satisfactions immédiates du désir, donc activant sa frustration. Soit, je garde à l'esprit ce conseil, qui méritera d'être considéré de plus près ultérieurement, mais vais continuer de creuser l'idée d'un encouragement à la sublimation, dont le but est une vivification de l'énergie de vie. Pour l'heure, je me contenterais de retenir que Freud, lorsqu'il admettait que le praticien puisse pousser le patient à la sublimation, ramène celle-ci, au moins pour partie, dans l'espace conscient, puisque le moi n'a aucune prise directe sur l'inconscient. Là, il est donc susceptible d'être accessible et pourrait donc se prêter à l'influence, à l'action, à une utilisation par l'individu, entrer dans la gamme des moyens techniques à notre disposition.Il semble, selon mes observations personnelles et celles que je peux faire lors des séances d'analyse avec une patiente ou un patient, qu'un tel recours peut difficilement être mis en service, la connaissance du processus et de ses bienfaits ne suffisant pas à l'activer, défauts qui sous-tendent certainement la mise en garde de Freud. Un encouragement trop pressant risque fort de conduire à un renoncement, à une défiance plus qu'à une adhésion. Qu'à cela ne tienne, je ne lâche pas mon idée et m'entête dans la voie empruntée ici, qui rend nécessaire une adhésion du patient à la stratégie proposée, sans que celle-ci ne fraye trop étroitement avec quelque tendance suggestive. Établir une telle base relève du tact analytique, à savoir la finesse et la justesse de l'approche de l'analyste. Quels sont les recours à notre disposition pour emprunter favorablement, avec un sérieux espoir de bénéfices en termes de bonheur, la voie de la sublimation? Il n'est pas question de poursuivre une illusion, celle de devenir un prix Nobel ou un artiste de premier plan, là n'est pas notre intention. Cependant la voie créative me semble, ici encore, et je dirais presque "encore et toujours" celle qui peut le plus certainement nous conduire dans la bonne direction, celle qui permet de voir tout un chacun capable de créer les conditions de son propre bonheur, et d'œuvrer à l'embellie de celui-ci. Encore faut-il que nous ayons à notre service un moyen, un véhicule pour avancer.

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Ici, je voudrais proposer et creuser une idée qui s'est élaborée au fil des ans, fruit de mon engagement dans une vie entièrement vouée à la Poésie, au sens le plus large, le plus originel, celui du "faire", dont fait partie mon approche psychanalytique, que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer dans ce carnet. La création poétique ne devrait pas être ramenée à la seule production littéraire. Son champ intéresse toutes les capacités de l'âme, c'est-à-dire cette part de l'esprit qui réside dans le coeur et qui est à la conjonction des souffles telluriques, célestes et humains. Cette idée, dont je comprends que l'on puisse la trouver farfelue, dans l'ignorance de ses origines et de ce qui la soutient, a trouvé dans le livre "Malaise dans la culture" de quoi s'étayer et se renforcer. Freud parle d'une "technique de l'art de vivre" qui pourrait être la plus efficace de toutes, et offre un destin privilégié à l'énergie, tout en restant au contact de la réalité, y trouvant même ses objets. De quelle mystérieuse panacée s'agit-il donc? De l'Amour, tout simplement. Ici encore j'emploie à escient la majuscule, pour signifier que nous parlons au sens le plus large, le plus complet, le plus à distance des acceptions simplistes. Pour nous préserver des illusions, qui en matière d'amour trouvent de vastes pâturages, rappelons sans tarder la mise en garde de Freud, qui prévient que nous ne sommes "jamais plus vulnérables à la souffrance que lorsque nous aimons". Soit. Nous nous le tenons pour dit, d'ailleurs nous le savions, qui ne le sait pas? Seuls celui ou celle qui n'ont pas aimé l'ignorent. Mais prenons quelque distance avec la forme la plus débattue de l'Amour, celle qui concerne la relation amoureuse au sens commun, entre deux êtres, et qui les lie par la sexualité. Prendre de la distance ne signifie pas écarter, nous parlons de l'Amour dans toutes ses manifestations, et allons nous intéresser à sa pratique hors du champ sexuel. Je rapproche sans tarder l'Amour de la sublimation, pour essayer de voir en quoi celle-ci emprunte les voies de celui-là.

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L'Amour est le foyer énergétique le plus puissant qui soit. L'Amour en tant que force de construction, la plus proche de ce que les sagesses orientales considèrent comme la force universelle. Ceci est un autre aspect de notre sujet, sur lequel nous aurons l'occasion de nous pencher. L'amour des êtres aimés, qu'ils soient amants ou proches, familiers, enfants, amis. L'amour de ce que l'on fait. De ce que l'on est. Si nous n'avons pas de moyens pour modifier les conditions naturelles de notre vie, les forces de la nature, pas plus que nous pouvons directement lutter contre notre part de détermination venant de la génétique, nous pouvons en revanche agir sur la relation que nous entretenons aux autres et à ce que nous faisons. Pour circonscrire notre sujet, nous ne l'aborderons que sous l'angle qui nous intéresse en premier lieu ici : celui qui va de soi vers l'autre.

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La lectrice et le lecteur comprendront aisément qu'à ce point de mon élucubration, j'ai besoin d'un temps de réflexion, de mener quelques recherches, avant de me lancer dans la suite du parcours... Ils me pardonneront de solliciter d'abuser encore un peu de leur patience.

à suivre, donc...

©Olivier Deck    psyka.net 030424